Discours d'introduction 2010 | Olivier Klunge

Mesdames, Messieurs, au nom du Jury du Prix Rambert et de la Section vaudoise de Zofingue, je  souhaite la bienvenue à chacune et à chacun d'entre vous
Je salue ici la présence de :

  • Mme Pascale Kramer, que nous célébrons ce soir,
  • MM. Sebastian Hektor Vogel, Président central, MM. Lorenzo De Pietro et Christoph de Planta, membres du Comité central de la Société suisse d’Etudiants  de Zofingue, qui nous ont fait l’amitié de franchir la Sarine et le Nuefenen pour honorer la littérature romande.
  • M. Henri Klunge, Président de la Section vaudoise des Actifs.
  • M. Jean-Hugues Busslinger, membre du comité des Vieux-Zofingiens vaudois.

Salut enfin à vous tous, Zofingiens, fidèles du Prix Rambert, amis de Pascale Kramer. Le Jury du Prix Eugène Rambert est heureux de vous recevoir pour la remise du Prix Rambert 2010, trois ans après la précédente édition et près d’une année après le début de ses travaux.
Mais qui sont les membres du Jury 2010 ? Permettez-moi de les présenter brièvement :

  • M. Antoine Bastian, étudiant en économie.
  • M. Alain Dondenaz, membre de la Direction de la Vaudoise Assurances.
  • M. Jean-Jacques Maison, pasteur.
  • M. Jean-Marc Spothelfer, pasteur, fidèle secrétaire du Jury.
  • M. Philippe Weissbrodt, designer graphique et photographe.
  • M. Guillaume Wurlod, économiste.

Enfin, je m’appelle Olivier Klunge et exerce la profession d’avocat.
Les membres du jury proviennent donc d’horizons divers et évoluent dans des milieux professionnels variés. Leur point commun est de tous appartenir à la Société d’Etudiants de Zofingue. Cette particularité de notre jury littéraire, ni jury de professionnels ou d’éditeurs, ni jury populaire, se révèle surtout féconde dans le sens où les relations entre les membres ne se limitent pas aux séances du jury ou à un goût littéraire, mais s’étendent aux multiples activités que Zofingue propose à ses membres. Ces liens renforcent la cohérence du Prix, le respect entre les membres et assure une certaine continuité par-delà le rythme triennal du Rambert.
Mais pourquoi le Prix Eugène Rambert se nomme-t-il ainsi? Qui était cet écrivain, né le 6 avril 1830 à Clarens, dont la population vaudoise sait surtout qu’il a donné son nom à une cabane du Club alpin et à des avenues à Lausanne et Montreux ?
Après des études de théologie à Lausanne, puis de lettres à Paris, Eugène Rambert est nommé, en 1854, professeur de littérature française à l’Académie de Lausanne.
Cependant, en 1860, il quitte sa patrie pour l’Ecole polytechnique de Zurich où il restera 20 ans, conservant ainsi une certaine distance critique par rapport au milieu vaudois dont le piétisme et la petitesse l’étouffait.
Eugène Rambert reste comme le poète brillant et ému des lacs et des montagnes, cette passion sera le dénominateur commun des six volumes des Alpes suisses (1865-1886), encyclopédie du monde alpestre où les descriptions et légendes côtoient les analyses savantes. Rambert est d’ailleurs l’un des membres fondateurs du  Club alpin suisse.
Eugène Rambert a aussi su former et encourager la génération suivante d’écrivains romands : Henri Warnery et Samuel Cornut, entre autres.
Qu’en disait-on à l’époque?
« L’homme que la mort vient de frapper brusquement est un de ceux qui ont le plus honoré notre pays, et qui l’ont le plus aimé. Dans le premier moment de douloureuse émotion où nous jette la nouvelle de cette fin soudaine, nous chercherions vainement à bien dire ce qu’il fut, ce qu’il a fait, ce qu’il laisse derrière lui de travaux accomplis, de projets irréalisés et de regrets amers. […] Ainsi s’ouvrait la Gazette de Lausanne du 22 novembre 1886.
Eugène Rambert a tenu, dans ces vingt dernières années, une place considérable, une place unique dans la vie intellectuelle de la Suisse romande. […] Il avait conquis cette puissance qui est plus que le talent et qui ne s’obtient que si au talent s’ajoute la supériorité morale : l’autorité.
Ce mot résume  ? pour nous et couronne la carrière laborieuse et féconde qui vient de finir. Cette autorité, il la devait sans doute en première ligne à la fermeté et à la pénétration de son jugement, à la richesse et la profondeur de sa pensée, à l’étendue de son savoir, à la distinction de son style ; mais il la devait plus encore aux hautes qualités morales qui accompagnaient tant de dons précieux, au sérieux qui était le fond de ce noble esprit, à l’indépendance et à l’inviolable probité de sa critique dont Ste-Beuve a dit un jour qu’elle était « bonne et loyale ». […]
Il a aimé ardemment, par dessus tout, son pays ; il l'a aimé dans cette nature, dont il a célébré les merveilles en savant et en poète ; il l’a aimé dans ses représentations les plus nobles, à qui sa plume a payé la dette de tous : Vinet, Olivier, Tœpffer, Calame. Ecrivains, peintres, poètes, à qui il a consacré tant d’heures laborieuses, tant de pages émues, l’avenir ne séparera pas de vos noms celui d’Eugène Rambert !
Puis il a aimé son pays, non seulement en artiste et en poète, mais en citoyen passionnément épris de la liberté, soucieux de la dignité de nos mœurs politiques et du respect des droits de l’individu.
Enfin il l’aimé avec une sorte de prédilection, dans cette jeunesse studieuse, objet de sa sollicitude et de son ambition. Car il rêvait pour la patrie une génération digne de celles qui l’ont précédée, une jeunesse qui fut une élite, et qui conservât parmi nous l’amour des nobles choses, le culte de l’idéal et de toutes les traditions qui ont fait la grandeur morale de la Suisse. […] »

Gazette de Lausanne, 22 novembre 1886 (lendemain du décès d’Eugène Rambert)
Dès le décès d'Eugène Rambert, la Section vaudoise de Zofingue, dans le but d’honorer la mémoire de ce poète qui entra dans la société au printemps 1849 et où il publia ses premiers écrits, consacre les bénéfices de ses soirées théâtrales à un fonds Rambert.
L’idée initiale était d’ériger un monument en l’honneur du grand écrivain, mais les Zofingiens estimèrent qu’il était plus fidèle à l’esprit et au travail d’Eugène Rambert de consacrer ces moyens à un prix littéraire, permettant de promouvoir les lettres romandes par une reconnaissance publique à des œuvres marquantes et par un soutien financier à des auteurs méritants. C’est ainsi que naquit le Prix Eugène Rambert, décerné pour la première fois en 1903.
Que reste-t-il aujourd'hui de cet esprit de pionniers qui présida à la création du Prix Rambert ?
Les éditeurs foisonnent en Suisse romande. Plusieurs petites maisons d’édition dont le travail est à saluer ont récemment vu le jour. Les subventions des collectivités et fondations publiques permettent de financer nombre de projets littéraires même si l’on ne peut s’empêcher de penser que cette manne financière émousse parfois le regard critique de l’éditeur sur un manuscrit... Et si la littérature, à de rares exceptions, ne nourrit nullement son serviteur, les vocations d’écrivains foisonnent. Le nombre des distinctions littéraires enfin suit la même courbe.
Cette évolution a singulièrement compliqué le travail d’un jury de laïcs. Alors qu’il y a quelques années encore, un simple appel aux éditeurs suffisait pour recevoir en retour les ouvrages marquants de la production romande, il faut aujourd’hui dénicher le nom des éditeurs, démêler les organigrammes des groupes de presse français, et recontacter les premiers qui n’ont pas répondu ou que partiellement à votre requête…
Face à cette abondance de publications, le jury Rambert a entamé une large réflexion sur son fonctionnement et, en particulier, sur la nécessité d’assurer une sélection des ouvrages qui d'une part ne noie pas les jurés, mais qui d'autre part leur permette d'examiner l’entier du panorama littéraire romand sans filtre préalable. Les premiers effets de ces démarches ont été des contacts fructueux avec le Centre de recherches sur les Lettres Romandes, et le Professeur Daniel Maggetti, qui a signalé au jury différents ouvrages que les éditeurs avaient « oublié » d’envoyer et qui méritaient de figurer dans la sélection du Prix Rambert. Les jurés ont aussi eu le plaisir de discuter avec Daniel Maggetti des ouvrages en lice.
Le jury réfléchit aujourd’hui à d’autres pas pour assurer un meilleur suivi des publications entre les éditions du Prix et pourvoir à la pérennité financière du Rambert.
Lors de la précédente édition, le jury avait  reçu 66 ouvrages, en 2010, il en a considéré pas moins de 112 ! Chacune de ces œuvres a été lue, évaluée et commentée par au moins deux jurés.
Parmi ces ouvrages, quelques perles. Les deux romans de la lauréate, bien sûr, mais permettez-moi également de mentionner ici un auteur que le jury a particulièrement apprécié, Olivier Sillig, dont les deux ouvrages La Cire perdue et Lyon simple filature témoignent d’une richesse d’invention narrative et de création d’atmosphères remarquable.
Mais il est temps de revenir à l’auteur qui a su emporter la conviction du jury par ces ouvrages ciselés et donner la parole à Philippe Weissbrodt qui prononcera la laudatio.