Discours d'introduction 2016 | Olivier Klunge

Mesdames, Messieurs, au nom de l’Association du Prix Eugène-Rambert, je souhaite la bienvenue à chacune et à chacun d'entre vous

Je salue ici la présence de :

  • M. Philippe Rahmy, que nous célébrons ce soir,

  • M. Christophe Burckhard, membre du Comité central de la Société suisse de Zofingue, qui nous fait l’amitié de franchir la Sarine pour honorer la littérature romande.

  • M. Eric Meyster, Président de la Section vaudoise de Zofingue.

  • M. Charles-Henri de Luze, Président des Vieux-Zofingiens vaudois.

En préambule à cette 38e remise du Prix Eugène Rambert, je tiens à formuler quelques remerciements :

  • au Professeur Daniel Maggetti, du Centre d’études sur les lettres romandes de l’Universite de Lausanne qui a accompagné de ses conseils les travaux du jury.

  • à la Fondation Le Cèdre et au Cercle littéraire de Lausanne qui soutiennent fidèlement le Prix Eugène-Rambert.

Ensuite, je désire vous présenter les membres du jury de cette édition 2016 :

  • M. Jacques Ballenegger, avocat

  • M. Rémy-Pierre de Blonay, politologue

  • M. Frédéric Epitaux, avocat

  • M. Daniel Fornerod, pédopsychiatre

  • M. Quentin Racine, étudiant en droit

  • M. Marc Reymond, étudiant en architecture, actuellement en stage au Japon

  • M. Philippe Weissbrodt, designer graphique et photographe.

  • M. Guillaume Wurlod, économiste et diplômé en sciences de l’environnement.

Enfin, je m’appelle Olivier Klunge et exerce la profession d’avocat.

Les membres du jury proviennent donc d’horizons divers et  évoluent dans des milieux professionnels variés. Le benjamin est dans sa deuxième décennie, le doyen dans la septième. Notre jury littéraire n’est donc ni un jury de professionnels ou de chercheurs, ni un jury populaire. Le jury Rambert est composé d’amateurs, de passionnés de lecture, qui prennent plaisir à découvrir et suivre les auteurs formant le paysage littéraire romand, à discuter, argumenter, délibérer au sujet d’ouvrages pour en distinguer un seul qu’ils estiment mériter d’être mieux connu du public et digne de s’inscrire dans une histoire littéraire qui commença en 1898.

Malgré la mort tant de fois annoncée du livre, force est de constater que l’édition et la production littéraire romande se porte bien. J’en veux pour preuve le nombre croissant de maisons d’édition publiant, régulièrement ou occasionnellement, des ouvrages littéraires. Citons aussi le nombre imposant d’auteurs suisses publiés à Paris, à l’instar de notre lauréat. Le nombre d’ouvrages envoyés par les éditeurs, signalés par le Prof. Maggetti ou par les jurés et entrant dans la sélection du prix suit aussi une courbe ascendante. En 2007, c’étaient 66 ouvrages que le jury avait lus, en 2010, 112 ; en 2013, 131. En 2016, la sélection a atteint 166 ouvrages ! Chacune de ces œuvres a été lue, évaluée et commentée par au moins deux jurés. Les premières réunions du jury ont commencé en décembre 2014.

La tâche est lourde pour des amateurs qui lisent ces ouvrages lors de leurs loisirs. Je suis cependant persuadé que c’est la condition d’un travail profond et ouvert à l’inattendu. Le lecteur, surtout si c’est sa première participation au jury, apprend, par l’abondance des ouvrages lus, à analyser les différences, les modes, les facilités de certains textes, ou au contraire l’originalité d’autres, leur qualité stylistique, leur richesse formelle. Ce travail d’assimilation ne serait pas possible avec une sélection restreinte des ouvrages jugés les meilleurs par un panel averti.

Il n’est pas inhabituel de voir un ouvrage porté aux nues par un juré, alors qu’il est sévèrement critiqué par un autre. Les discussions répétées mensuellement durant un an et demi, sur des dizaines d’ouvrages de tous horizons, de toutes qualités, affinent le jugement de chacun, le rendent attentif à des critères de lecture qui ne lui sont pas naturels, l’incitent à rechercher dans chaque ouvrage les marques de talent.

La démarche d’un jury littéraire, comme celle du lecteur, n’a en effet rien de scientifique ; ne doit rien avoir de scientifique. Eugène Rambert, dans un aphorisme sous forme d’avertissement prémonitoire pour les jurys du prix créé à sa mémoire, disait : « Il est donné à très peu de personnes de ne pas se gâter la plupart de leurs jouissances artistiques par des comparaisons, souvent oiseuses, qui au plaisir d’admirer substituent le plaisir de prononcer. »

Le plaisir de participer au jury du Prix Rambert n’est pas uniquement tourné vers un développement individuel. Il est toujours ordonné au but fixé : soutenir la littérature romande en distinguant un ouvrage parmi la production des trois dernières années.

Ces réunions, ces lectures n’auraient pas de sens, si la remise du prix n’était pas l’occasion d’attirer l’attention des médias sur une œuvre, si elles ne permettaient de nous trouver aujourd’hui pour célébrer Philippe Rahmy, si vous ne rentriez pas ce soir avec l’envie de découvrir ou de relire Allegra. 

Ce souci de promouvoir la littérature romande a été l’une des priorités qu’Eugène Rambert s’était assignée, lui qui a été un mentor pour la jeune garde de son temps. Eugène Rambert qui disait : « Je crains que nous ne soyons entrés dans une phase où tout le monde apprend à lire, sans que tout le monde apprenne à aimer lire. » 

Le travail du jury Rambert en 2016 trouve donc ses racines dans la vision d’un écrivain du XIXe siècle qui crût dans une tradition vivante et renouvelée de 38 jurys sur 113 années.

J’évoquais plus haut la mort du livre tant de fois annoncée. En guise de conclusion, je ne résiste pas au plaisir d’évoquer une dernière citation de Rambert : « On dit parfois que l’enseignement des livres est mort. Ce n’est pas le livre, c’est le lecteur qui est mort. »

Rémy-Pierre de Blonay étant lui un lecteur très vif, je lui passe la parole pour la laudatio.

Olivier Klunge